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Rêveries
lakevio
20 février 2017

Emma, Anna, Madeleine

Nota Bene: le samedi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style. Lakevio, c'est à cette adresse: www.lakevio.canalblog.com

Charles-W-Hawthorne -Three-Women-of-Provincetown
 Charles W. Hawthorne - Trois femmes de Provincetown

Emma, Anna, Madeleine
Pierre se cala dans le fauteuil directorial. Il appuya sur la touche 2 de l'interphone. 
-Marthe, je suis en conférence.
-monsieur Trompe, votre client, est arrivé pour la signature du contrat.
-je ne suis pas là!
-Mais...
Il lâcha la touche. Clic.
Le bureau, situé au 124e étage d'une tour, offrait une vue splendide sur la ville. La pièce était grande et meublée avec parcimonie. Un chat jaune, roulé en boule, ronronnait sur le radiateur. Un vaste bureau en verre occupait le centre de la pièce. Ses six pieds transparents reposaient sur un parquet en chêne, disposé en  point de hongrie.
Une bibliothèque Charles X contenait des microsillons 33tours 1/2 minute. Une platine et des enceintes complétaient le mobilier, sans oublier une chaise du Corbusier et quelques ratons laveur.  C'est sur la table qu'était concentrée la technologie du XXIe siècle.
Une tablette clignota. 
-Bonsoir Monsieur Pierre, je suis Iris de la galerie K und K. Nous passons dans trois numéros.
-Je suis branché sur votre site.
Le silence était presque total dans la pièce. Seul le bruit du ron ron du chat se faisait entendre.
Quelques minutes s'écoulèrent. Sur le bureau,   le catalogue de la galerie K und K était ouvert à la page 110...
-Lot No 410, annonça le commissaire priseur. "Les trois soeurs" peint par P.P. en 1957. L'enchère démarre à 12 millions.
Pierre se concentra.
-13 millions au téléphone, 17 millions dans la salle.
Les trois soeurs, qui posaient pour P.P., l'année de la naissance de Pierre, étaient des tantes de son père, les soeurs de son grand-père. A gauche du tableau, Emma, la cadette. Pierre s'étaient gavé de ses confitures de groseille à maquereau. En 1965 ou 66, sa tante Emma avait été amputée d'une jambe gangrenée. Le dernier souvenir fut d'une dame courageuse allongé sur un lit d'hôpital. Il était gamin et cela le troubla.
Au milieu du tableau, Anna, une maïeuticienne qui mit au monde tous les enfants de la famille de Pierre. Une femme de caractère.
A droite, Madeleine, la plus petite de toutes. Elle avait épousé un banquier.
Ces trois soeurs, toujours vêtues de noir, étaient mortes au début des années 1980.
-200 millions au téléphone, 215 millions dans la salle.
Pierre rassembla ses forces et annonça 250 millions. Il ne pouvait aller au-delà. Il ferma les yeux et attendit.
-250 millions une fois... Deux fois...
Le visage de Pierre se crispa.
-Trois fois, le marteau tomba.
Pierre sourit. Il se leva, posa un disque sur la platine. La symphonie No1 de Beethoven. Un enregistrement d'octobre 1957.  Le Philarmonia Orchestra est dirigé par Klemperer. Il poussa le volume au maximum. Le chat jaune, qui faisait sa toilette, perché sur le radiateur, resta perplexe. Il n'aimait que Mozart!
Pierre remplit un verre de whisky, alluma une cigarette, une de celle qui tue et regarda le lumière de la ville. Personne ne savait encore, qu'une toile célèbre peinte en 1957 par P.P., un peintre connu mondialement, échappait de justesse à l'appétit du Joker, retournait dans la famille de Pierre, ruinant au passage son empire financier. La nuit sera longue et agitées à Gotham City, pensa Pierre. 
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6 février 2017

Youtubeuses beauté

 Nota Bene: le samedi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style. Lakevio, c'est à cette adresse: www.lakevio.canalblog.com

patricia freeman
Patricia Freeman - Trepidations

...Un petit salon de style anglais début du siècle. Un poste de T.S.F. 

Avez-vous lu le Goncourt 1911? Doit-on lire ou relire ce roman, en connaissant la biographie de l'auteur?
Baudelaire: (Salon de 1846): "La bêtise est souvent l’ornement de la beauté". 
Aragonia
Selección Especial
2011 GARNACHA
Product of Spain
Novembre s'achève dans le froid.
Le mercure passe sous la barre du zéro degré...
Pour se réchauffer, il faut s'engouffrer dans la salle de l'Adriano's bar, choisir le banc sous lequel les tuyaux du radiateur, chauffés à blanc, tentent de rivaliser avec les chaleurs de l'été... 
30 décembre 2011 "Saint-Roger"
Escargots en entrée
Amandes de mer crues
Choux de Bruxelles
Restes de viande
Salade
QUI A TOUCHÉ À L'ORDINATEUR? C'EST LE FOUTOIR... JE VAIS INSTALLER UN CADENAS... 
-Salut!
-Salut!
-Tu fais quoi?
Ils se saluèrent en frappant trois fois leurs poings fermés, claquèrent leurs paumes cinq fois, firent "goulou, goulou", se frottèrent le bout du nez l'un contre l'autre, firent une accolade épaule gauche contre épaule droite en se susurrant: "Salut frérot".  
-Rituelle Géronimo, trancha un expert de 10 ans, haut comme  trois pommes, foutons  le camps. 
-Tu as fait ton devoir du lundi?
-Non et je m'en bats les couilles!
-C'est quoi cette expression de youtubeuses beautés de 15 ans?
-Je dirai que j'étais malade...
-"Chère maîtresse, Veuillez excuser le petit Jean-Jacques qui n'a pas fait son devoir. Il est au lit avec 47 de fièvre, c'est la flemme ingite aïgue..."
-C'est un truc des années septante la flemme...
-Soixante dix, pense à tes lecteurs étrangers.
-Espèce de troll, en Belgique, il parle septante et nonante!
 -J'suis passé tout à l'heure à la galerie pour voir le tableau à raconter et il n'était plus là! Y avait une pancarte: Le tableau servant de fil conducteur au récit du lundi à été dérobé par une bande de gamins accompagnée d'un chat jaune.
-Un chat jaune, c'est Léo. On a qu'à lui demander.
-Faudrait le trouver, d'abord.
-Il est là!
-C'est lui qui fait ce bruit de Solex?
-Non, il ronronne. 
-Il est pas jaune, le chat des voisins du dessous, il est caramel .
-c'est pour brouiller les pistes. 
-Des rumeurs circulent sur "Face de bouc", que vous l'avez bouffé. Chat à la moutarde!
Le viel Ueli rentrait de promenade. Il regagnait son coin de rue. Aujourd'hui, il n'avait pas effectué son trajet habituel. Personne ne l'avait vu au Colonial.
P.-S. Le thé bu pendant le souper était un thé noir. "Thé P'uh-êhr" Petit Nid d'Oiseau. Thé compressé à la forme sympathique, chaque petite brique est emballée dans un papier de soie. Emballage que l'on retire avant de faire infusé. Originaire de la province de Yunan en Chine, ce thé à un goût de terre.
MAIS C'EST PAS VRAI, IL Y A DES POILS DE CHAT DANS LE LOGICIEL. LE CHAT JAUNE DES VOISINS DU DESSOUS EST ENCORE ENTRÉ DANS L'ORDI À LA RECHERCHE DE SOURIS! LÉO, ICI, TOUT DE SUITE! LÉO...
-Ben voilà, merci Léo de nous avoir conduit à la cachette du tableau.
-Ils l'ont bien arrangé les gamins. Il est tout violet.
-c'est qui les deux gonzesses qui posent? Elles ont une de ces trogne!
-Tu ne reconnais pas, c'est une scène du film: "C'est lundi, il n'y a plus de raviolis!"
-Ça ne m'inspire pas. Je suis malade.
MERDE, J'AI FAIT UN COUP DE CLIC SUR ENVOYER. LE TEXTE EST PARTI. JE NE SAIS PAS OÙ. LA HONTE.  J'AI PAS FAIT DE SAUVEGARDE. LÉO, ICI, LÉO...
Sur le paillasson des voisins du dessous, Léo ronronne. Au-dessus, ça braille et une odeur de lapin à la moutarde s'échappe de la cuisine.
Dans le caniveau, une toile est abandonnée. Elle représente deux femmes mécontentes de passer un lundi sans raviolis.
C'étaient les trépidations du lundi 6 février 2017.
P.-S. Le texte n'a été sauvegardé...

30 janvier 2017

La Fièvre du samedi soir...

 Nota Bene: le samedi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style. Lakevio, c'est à cette adresse: www.lakevio.canalblog.com

 Daniel Maidman - Rachel at the cafe

LA FIEVRE DU SAMEDI SOIR
Ils prenaient le thé dans le petit salon. La porte-fenêtre était close. Depuis dix jours, les températures négatives, entretenaient une pollution monstrueuse. Malgré le soleil et une douceur bienvenue, le rouge continuait d'être présent dans la courbe de la pollution ce samedi après-midi de fin janvier. 
A côté de la porte-fenêtre  était accroché une toile de Paul Rafferty intitulée  "Hydrangeas - Contre-Jour". Ce tableau suscitait la polémique. Les visiteurs reçus dans le petit salon voyaient des roses ou des pivoines, certains distinguaient cinq fleurs, d'autres en comptaient quatre. C'était pourtant des hortensias roses. Les originaux se trouvaient dans un vase posé sur le guéridon, que tante Dinah s'obstinait à confondre avec une table bouillotte.  A la T.S.F., l'émission littéraire évoquait Homère et son épopée l'Odyssée. Un péplum où l'on rencontre de gros bras et des femmes charmantes. L'histoire raconte, Ulysse résistant au chant des sirènes, parle de sa femme Pénélope hésitant entre la broderie et la confection de confitures, de courtisans ourdissant de mauvais coups et de Télémaque le fils maudit. La magicienne Circée remettra de l'ordre dans cette toile littéraire. Les écrans cathodiques, le dernier dimanche de janvier, à 20h00, donneront quelques pistes.
L'Impromptu n° 3 en si bémol majeur "Rosamunde" de Schubert mit fin à cet embrouillamini politico-financier-judiciaire qui secoua l'île d'Ithaque, bien des siècles avant la naissance de Rachel. 
"C'est nouveau ce tableau miniature posé sur le guéridon?" Demanda Esther en croquant dans une madeleine.
"Non, il était dans une chambre au 2e" Répondit Iris en versant du thé dans les tasse chinoises.
"Il s'intitule Rachel au café", précisa le frère d'Iris, qui appuyait sur la télécommande. La T.S.F. se tut. 
"Et qui est cette Rachel?" S'enquit Esther. 
Iris et son frère s'empressèrent de lui répondre. "C'est la fille de Laban, la cousine et la seconde femme de Jacob, la soeur de Léa."
"Léa, la fillette du rez-de-chaussée"dit Esther en pointant du doigt le sol.
"Pas du tout", s'esclaffa Iris. Son frère enchaîna, "Léa, c'est la cousine et la première épouse de Jacob. La fille de Laban, la soeur de Rachel".    
Esther se tassa dans le fauteuil de toile moutarde. "Je ne comprends rien aux histoires de famille!", se désola-t-elle.
Iris se leva et tira de la bibliothèque un livre relié en fin cuir rouge. Elle tendit le volume à Esther. "Tu trouveras toute l'histoire de la famille ici", précisa Iris. Esther lut sur la tranche, écrit en lettres dorées: LA BIBLE.
Un coup de klaxon,  plutôt joyeux, mit fin aux souvenirs de famille.
Une Buick Riviera, noire, modèle 1971, venait d'entrer dans la cour de la maison.
"C'est Benoît, lança le frère d'Iris regardant par la porte-fenêtre, il brandit une coupe."
" Il est vainqueur du rallye des neiges"s'enthousiasma Iris.
Le nuit tombait, dans le ciel sombre se détachait un mince croissant de lune jaunâtre. La pendule du petit salon sonna le quart de six heures... Le frère d'Iris alluma le lustre. Esther, fixait le portrait de la belle Rachel. Léo, le chaton jaune, grattait à la porte d'entrée. Le jeune couple de l'étage du dessus écoutait "Breakfast in America", le volume poussé à fond. La fièvre du samedi soir commençait...
23 janvier 2017

La Pastorale

Nota Bene: le samedi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style. Lakevio, c'est à cette adresse: www.lakevio.canalblog.com

Paul Rafferty - Hydrangeas contre-jour
Paul Rafferty  "Hydrangeas - Contre-Jour"

La Pastorale

Allegro ma non troppo
Erwachen heitererEmpfindungen bei der Ankunft auf dem Lande 

Eté 1900, la porte-fenêtre du petit salon est ouverte, les arbres du parc de la villa Si-Ma-Y frisent avec légèreté, une bise mollissante chasse quelques nuages. Un guéridon, un fauteuil tapissé d'une toile moutarde, sont les seuls meubles de cette pièce. Accroché au mur, à gauche de la porte-Fenêtre, un tableau représentant un paysage alpestre, signé Alexandre Calame.
Sur le guéridon un bouquet d'hortensias roses, une peinture miniature encadrée, une boîte en bois, achetée  à Pékin en 1898, un pied en bois de dimension modeste, sur lequel se fixe un lutrin. 
Une douce chaleur pénètre dans cette pièce à contre-bise. Iris, sans bruit, fit le tour du salon. Elle retira ses gants en dentelle. Innocemment, elle passa son indexe sur le guéridon; aucune trace de poussière. On joue du piano dans la galerie. Le frère d'Iris massacre la version pour piano de la symphonie numéro 6 de Beethoven. Iris est heureuse, son frère lui fera visiter l'exposition universelle, à Paris. Elle saisit la peinture miniature et eut un sourire  amusé, elle représentait...


Andante molto grosso
Szene am Bach 

...Un petit salon de style anglais début du siècle. Un poste de T.S.F. était allumé dans la salle à manger. Par les portes ouvertes, on entendait le speaker annoncer un concert enregistré sur disques phonographiques le 8 janvier 1938 à New-York. Toscanini dirigera la 6e symphonie de Beethoven. Iris était dans le petit salon. Elle arrangeait un bouquet d'hortensias dans un vase en verre rose. Il trônait sur un guéridon, à côté d'une boîte en bois, souvenir de l'exposition universelle de 1900 à Paris. Ce guéridon était un  des seul meuble, avec un fauteuil en toile moutarde visible dans cette pièce. Son frère entra dans le petit salon par la porte-fenêtre, elle donnait sur le parc. A gauche de la porte-fenêtre était accroché un tableau intitulé "La femme qui pleure" signé Picasso 1937. 
On entendait le murmure du ruisseau qui traversait la propriété. "Il parait qu'Arturo à des colères légendaires, les musiciens le craignent", dit Iris en tentant de mettre de l'harmonie dans le bouquet d'hydrangeas. 
Le mois de juillet s'annonçait beau. En cet été 1938, l'air était irrespirable en Allemagne. Iris avait décidé d'émigrer à Buenos Aires. Elle tentera une dernière fois de convaincre son frère de la suivre lors du souper.
Elle aimait le chant des oiseaux, le bruit du ruisseau, le bruissement des feuilles des arbres, une quiétude,ici, à la campagne, qui n'existait pas à Berlin.
I
ris saisit une peinture miniature que cachait le vase. Elle sourit, amusée, elle représentait...


Allegro
Lustiges Zusammensein der Landleute 

...Un petit salon à la mode anglaise du début du siècle. Un guéridon occupait le milieu de la pièce complété par un fauteuil en toile moutarde. Une porte-fenêtre donnait accès au parc. Un des battants était ouvert. On entendait au loin les rires et les chants d'une noce paysanne. Le mois d 'août s'achevait et la journée avait été magnifique. A gauche de la porte fenêtre était accroché un tableau, "Les constructeurs, état définitif", huile sur toile de Fernand Léger achevée en 1950. Cette toile complexe ne plaisait pas à Iris qui arpentait le petit salon. "Mon frère se damnerait pour des oeuvres modernes qui n'ont pas de sens" soupira-t-elle en admirant un bouquet d'hortensias qui trônait, dans un vase en cristal de baccarat, sur le guéridon. Il y avait également une boîte en bois, noire laquée, ramenée de Chine à la fin du siècle passé par un oncle, mort depuis longtemps et une petite peinture miniature.
Un électrophone, installé dans la bibliothèque voisine, diffusait la Pastorale de Beethoven. La pochette du microsillon, procédé nouveau, indiquait que  Furtwangler dirigeait l'orchestre  philharmonique de Berlin. L'enregistrement en direct datait du  23 mai, juste avant le début de cet été 1954. 
Iris saisit la peinture miniature et eut un sourire  amusé, elle représentait...


Allegro
Gewitter - Sturm 

... Un petit salon meublé à l'anglaise de façon fort spartiate, on pouvait voir un guéridon et un fauteuil de toile moutarde. Une porte-fenêtre permettait de sortir dans le parc. A gauche de  la porte-fenêtre, était accroché un tableau, "White Light", un Pollok de 1954. Le guéridon était encombré; un vase avec quatre hortensias roses, une boîte en bois, une étoile de mer, un tableau miniature et les gants d'Iris ne laissait guère d'espace pour poser un livre. 
Cette journée d'été 1962 était orageuse. Un transistor, posé sur la table de la cuisine avait le volume poussé au maximum. "Mon frère exagère" pensa Iris. La 6e de Beethoven déversait le fracas de l'orage sur une campagne auparavant riante. George Szell dirigeait l'orchestre de Cleveland. Il s'agissait d'un enregistrement studio datant du début de l'année.
Iris ferma la porte-fenêtre. Une forte pluie s'était mise à tomber. On voyait des éclairs au loin. La retransmission du concert était émaillée de grésillement du à l'orage. 
Iris saisit la peinture miniature, sur le guéridon et eut un sourire  amusé, elle représentait...


Allegretto
Hirtengesang. Frohe und dankbare Gefühle nach dem Sturm

...un petit salon au charme désuet. Les rares meubles de la pièce sont probablement d'origine anglaise du début du siècle passé. Il y a un guéridon, sur lequel est posé un vase en plastic. Des hortensias artificiels y trouvent place, ils sont de couleur vieux rose. A côté du vase, une boîte en bois, laquée noire, probablement ramenée de Chine à la fin des années 1800. Une carte postale encadrée, photographie d'un tableau connu
Une porte-fenêtre permet d'accéder au parc. A gauche de cette porte-fenêtre est accroché une toile de Paul Rafferty intitulée  "Hydrangeas - Contre-Jour". L'ameublement sommaire de cette pièce est complété d'un fauteuil en toile moutarde. 
Iris ouvre la porte fenêtre. L'orage qui sévissait pendant la matinée s'est éloigné. Les arbres s'égouttent, le soleil est revenu et les oiseaux ont repris leur gamme.   
"Mon frère a oublié d'éteindre sa tablette" remarqua Iris. Elle était abandonnée sur le fauteuil. On y voyait la retransmission en direct de la symphonie numéro 6 de Beethoven. Un déroulant indiquait: Royal Albert Hall,  23 july 2012. Barenboim, impérial, dans cette immense salle de concert, s'épongeait le visage avec un mouchoir blanc, tout en gesticulant pour amener le West-Eastearn Divan Orchestra à bon port. Ce concert fait partie des mythiques Proms.
Iris saisit la carte postale encadrée, sur le guéridon et eut un sourire  amusé, elle représentait...

 

 

Notes: Crée le 22 décembre 1808 au Theater an der Wien de Vienne et publiée en avril 1809 chez Breitkopf & Härtel, la symphonie no 6 en fa majeur, opus 68, dite Pastorale, de Ludwig van Beethoven, est composée entre 1805 et 1808.

 

16 janvier 2017

Supertramp est un groupe de rock progressif anglais, fondé à Londres en 1969

Nota Bene: le samedi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style. Lakevio, c'est à cette adresse: www.lakevio.canalblog.com


belinda del pesco
Belinda del Pesco

Supertramp est un groupe de rock progressif anglais, fondé à Londres en 1969

Le saphir toucha le fond du sillon, les premières notes de l'album mythique "Breakfast in America" emplirent le salon. Le volume sonore bas permettait d'entendre le tic-tac de la pendule installée sur le marbre de la cheminée.  La position des aiguilles indiquait 15h35. Le vol SX0301 en provenance d'Amsterdam passa au-dessus de la maison. Dans quelques minutes, le Fairchild Dornier 328-110 toucherait la piste avec un quart d'heure d'avance sur l'horaire prévu. Le disque de Supertramp tournait à 33 tour 1/2 minute. Elle, elle était allongée sur le canapé, lui, il était assis. Il avait passé ses jambes par dessus les jambes d'elle. Il lisait. Dehors, il neigeait. La Ville fédérale somnolait. Les abords du Palais fédéral étaient bouclés. La visite d'Etat du président chinois Xi Jinping met en ébullition les autorités fédérales. L'impair de 1999 ne peut se répéter. Tout le monde se souvient de l'arrivée de Jiang Zemin sous la coupole. Il vociférait en anglais. Hurlait que sa sécurité n'était pas garantie, qu'il voulait voir le chef de la police, un incapable à ses yeux. Le conseil fédéral in corpore, glacé d'effroi, avait cru, l'espace d'un instant, avoir un nouveau président. Un groupe de Tibétains manifestaient sur un toit surplombant la place. L'incident diplomatique fut évité de justesse. Ce n'est pas facile de voyager en démocratie!
Le disque grattait un peu. 
Elle: Tu m 'aimes?
Lui: Oui
Elle, la moue rieuse: Tu aimes mes fesses?
Lui: Oui
Elle: Tu aimes mes seins?
Lui: Oui.
Elle: Tu aimes ma bouche?
Lui: Oh! Ca va la Bardot!
Elle: Tu as toujours méprisé Godard...
Elle étira ses bras et se servit un verre de Montus 2010. Supertramp attaqua "Goodbye Stranger".
Lui: Max Frisch dactylographiait son journal berlinois sur des feuilles quadrillées. Il note en mars 1973 "Parfois je m'étonne à l'idée d'avoir bientôt 62 ans. Aucune sensation corporelle, je ne sens pas que d'ici quelques années ce sera la fin. Comme lorsqu'on jette un coup d'oeil à sa montre: il est déjà si tard?"
Elle: Si on additionne nos deux âges, on arrive à 62 ans! On a le temps...
Il lui caressait les cuisses.
Lui: Et tes cuisses, tu ne m'a pas parlé de tes cuisses.
Elle lui tira la langue. Elle lui tendit son verre de vin.
Elle: Enivre-toi.
Lui: Tu as 31 ans, comment se fait-t-il que tu connaisse Godard?
Elle: Et toi, à 31 ans pourquoi lis-tu le journal berlinois de Frisch?
La face A du disque s'acheva. Le vinyle s'arrêta.
Elle: Tu vas tourner le disque?
Lui: Non. On va boire un café à l'Adriano's.
Ce fut la ruée vers le vestibule. Ils s'habillèrent chaudement. Sur le palier il trouvèrent Léo, le chaton jaune des voisins du dessous. Le jeune félin ronronnait et se frottait dans les jambes de ces potentiels pourvoyeurs de caresses ou de nourritures. 
Elle: Léo, tu fais ta Bardot?
Elle et lui éclatèrent de rire et, devant l'incurie de l'ascenseur, dévalèrent les escaliers en riant de plus belle. Léo se mit en boule sur le paillasson et sembla bouder. 
A l'Adrianos bar, ils apprirent l'élection du vert, Alec von Graffenried, issu d'une des plus vieille famille patricienne bernoise, comme maire de la ville. Elle et lui tombèrent sur des amis. Ils firent quelques égoportraits, puis quittèrent le bar pour aller boire des bulles dans des flûtes en cristal de Bohême...
Le générique de fin se déroulait sur une chanson de Ferré, chantée par Catherine Sauvage: "Est-ce ainsi que les hommes vivent?", tandis que le président chinois foulait le sol helvétique.
La ville verte grelottait, le mercure chutait dans son tube de verre... La nuit fut glaciale.

28 mars 1968
Catherine SAUVAGE chante "Est-ce ainsi que les hommes vivent?", poème de Louis ARAGON, musique de Léo FERRE

 

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20 décembre 2016

Hier, lundi..

Eurypyle (Détail) John William Godward 1921

Chère Lakevio (ICI)

Hier, je n'ai pas fait "mon devoir" comme dit M. Le Goût. J'ai écouté du jazz. Un album de 1987 "No Pain for Cakes" du groupe The Lounge Lizards. C'était magnifique. Le tableau du lundi trône dans le salon. J'aime cette beauté aux lèvres... Le haut de sa robe évoque les coquelicots. Les lèvres...
Hier, je n'ai pas fait "mon devoir" comme dit HB. J'ai écrit une longue lettre à mon vieil ami A (ICI). Je lui ai raconté, centimètre par centimètre les lèvres de la jeune femme du tableau, en écoutant du jazz. Des lèvres...
J'ai accroché le tableau au mur du bureau. J'ai branché le clavier de l'ordinateur au tableau et je converse avec le belle inconnue. Je lui ai fait découvrir le jazz. Je rêvasse, les heures bleues passent. Le brouillard est descendu sur la Ville fédérale. Minuit a sonné à la pendule du salon. Je n'ai toujours pas fait mon devoir. La police de la toile virtuelle patrouille. Elle a remarqué que mon écran est blanc.Elle va intervenir. Je coupe la virtualité.
Les lèvres de la belle inconnue murmure: "Bonne nuit"...

12 décembre 2016

Les quatre heures

Jasmine Hsiao Hui Huang
Aquarelle de Jasmine Huang

Nota Bene: le samedi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style. Lakevio, c'est à cette adresse: www.lakevio.canalblog.com

À tante May (18.. - 1965)



Dans la campagne, le temps semblait suspendu. Le brouillard s'était retiré du côté des anciens marais. Les Alpes barraient l'horizon. Le soleil rasant, ombrait l'impressionnante barre rocheuse dentelée; le décor ressemblait à une toile de Hodler.

L'envol d'un avion à destination de Münich troubla le silence. Des chiens aboyèrent avec rage, des corneilles répliquèrent, un cheval éleva de la voix et le bêlement d'un mouton mis fin à ce vacarme. 
Les arbres nus attendaient la neige. Les flocons, qui ne devraient pas tarder, marqueront l'entrée dans l'hiver et précipiteront "la fin des temps" dans l'oubli.
Sur le chemin gelé, qui serpentait entre les parcelles labourées, une silhouette se déplaçait avec rapidité. Une grande dame, vêtue d'un manteau gris pastel, perdue dans ses pensées, regagnait la ville. Une écharpe bleu royal, nouée autour de son cou, rappelait le ciel d'été, du Bel Été disparut. Les battements d'ailes d'un papillon, qui s'accrochait au ruban de son chapeau, régissaient le monde. Elle aimait cette courte période entre la fin de la chute des feuilles et les premières neiges. Dans les pays germaniques, on l'appelle "la fin des temps". Chaque année, elle songeait de peindre un tableau de ce décor mort et silencieux. Chaque année, elle s'était lancée dans d'autres projets. 
Dans la cité, envahie par la nuit, une brume s'était formée. Les lumières de Noël faisaient des halos dorés dans les rues. Aux carrefours, l'armée du Salut avait dressé des marmites pour recevoir l'obole des passants. La grande dame tourna la clef dans la serrure d'une imposante porte en bois massif. Un chat jaune se frotta dans ses jambes en miaulant. Elle le caressa au creux du cou puis l'éloigna de l'entrée. 
Elle entra dans une grande pièce. Elle avait transformé une resserre, contiguë à sa maison, en atelier de peinture. 
Par la grande fenêtre, les arbres du parc, perdus dans la brume, ressemblaient, avec quelques feuilles suspendues aux branches, à des pantins dégingandés. Quelqu'un dans l'ombre manipulait les ficelles. Les feuilles, jaunies et à l'agonie, tremblotaient. 
La grande dame avait dressé sur la table, devant la fenêtre, un arrangement qui ressemblait à une nature morte. Des roses, disposées dans un vase de grès blanc, côtoyaient des bouteilles d'eau de vie, un panier remplit de pain aux noix. Des oranges de la Chine attendaient sur une coupelle. Des bols étaient garnis de confiture aux groseilles à maquereau et aux cerises. Sur un réchaud, l'eau chantait pour le thé. 
Sur l'électrophone un microsillon tournait à 33 tours 1/2 par minute. Un saphir puisait dans les sillons une musique composée par Camille Saint Saëns. On reconnaissait le prélude de l'Oratorio de Noël.
La grande dame, encore vêtue de son manteau se tenait devant un chevalet. Elle peignait les nuits d'Orient. Ces nuits d'encre parsemées de millions de points lumineux. Une étoile filait, la brise marine agitait les palmes des dattiers, trois chameaux avançaient avec élégance, ils guidaient trois rois vers une destination mystérieuse...
La cloche tinta. Les invités arrivaient pour "les quatre heures". Elle regarda le tableau, satisfaite, elle le retourna. Elle déposa le papillon qui logeait sur le ruban de son chapeau sur la corolle d'une rose, prépara le thé et alla ouvrir. Margaret et Irwin entrèrent. Dans la rue passa un chenapan qui cria, "bonjour madame". Il tira la langue et détala en chantant à tue tête, " De bon matin, j'ai rencontré le train  de trois grands rois qui partaient en voyage. De bon matin..."  Les pneus d'une Buick Riviera, noire, modèle 1971, crissèrent, le bêlement d'un mouton mis fin à ce vacarme. 
La porte de l'atelier se referma. Les premiers flocons dansaient dans la brise marine. L'hiver...
5 décembre 2016

Drôle de drame

 Nota Bene: le samedi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style. Lakevio, c'est à cette adresse: www.lakevio.canalblog.com

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Mes Chers

J'ai passé la fin de semaine chez mes amis, les M. 

 

Margaret cuisine un canard à l'orange divin. Archibald, son évêque de frère, toujours aussi bizarre, ne manquerait pour rien le dîner. Il accapare le plat! Irwin, choisit avec soin les vins et les whiskies. Il écrit toujours d'épouvantables romans policiers sous le pseudonyme de F.C. On peut se procurer cette lecture dans les halls de gare. Leurs enfants, Eva et Billy, ont bientôt 30 ans. Ils vivent toujours avec leurs parents. Ces journées, passées en leur compagnie, sont reposantes.  

 

Tous les soirs il y a cette mystérieuse cérémonie dont les invités sont exclus et qui ne fait l'objet d'aucun commentaire. J'observe ce rituel depuis plus de trente ans. Peu avant le coucher du soleil, ils s'installent sur des chaises pliantes sur une petite terrasse à côté de leur maison. Toujours dans le même ordre, au premier rang, Eva, Irwin, Margaret et Archibald; Billy se tient derrière. Il déplie une grand feuille dactylographiée et lit à voix haute. La langue qu'il parle m'est totalement inconnue. Il y a ensuite un long silence et la soirée se poursuit comme si rien ne s'était passé. 

 

Je vous envoie une esquisse de ce tableau singulier.

 

Je vous embrasse

 

Edward

 

 

Été 1960

 

28 novembre 2016

Zibelemärit

john mckenzie_photo2
John McKenzie

 

Nota Bene: le samedi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style. Lakevio, c'est à cette adresse: www.lakevio.canalblog.com

 

ZIBELEMÄRIT

Une salve de cris de canards envahi la pièce. Le téléphone portable clignotait et indiquait 04H10. La bise qui s’était levée la veille, s’engouffrait dans la chambre par l’œil de bœuf entrouvert. Il faisait froid, nuit, et l’envie de se lever n’était pas au rendez-vous. Il se retourna dans le lit bien chaud et renonça à quitter la couette. C’était son jour de congé. Sur la table de chevet un agenda était ouvert à la page du 28 novembre. Une note, laconique, écrite à l'encre bleue royale, indiquait: Zibelemärit. 

Les minutes passaient. Le silence régnait, troublé par intermittence par les rafales de bise.

Soudain, il se leva. Un appel irrésistible l’avait saisi, il fallait y aller. Il s'habilla chaudement et sorti. Il enfourcha sa bicyclette et, à grands coups dans le pédalier, se dirigea vers la gare. La bise le tirait peu à peu du sommeil. La pendule de la gare marquait cinq heures dix, quand il gara son vélo. Il y avait déjà foule dans le centre-ville. Le quatrième lundi de novembre, se tient, dans la Ville fédérale, le "Zibelemärit" (marché aux oignons). Les Bernois aiment y aller avant de partir pour leur travail. À partir de quatre heures, on boit du vin chaud, mange des tartes ou des soupes à l'oignon, les enfants font des batailles de confettis. Les stands, éclairés au siècle passé par de petits lumignons ou des bougies, proposent des tonnes d'oignons. De nos jours, l'éclairage électrique permet aux visiteurs matinaux de photographier l'oignon sous toutes ses coutures. 

Il se dirigea vers la Place fédérale. Il n'était pas venu depuis plusieurs années. Il marchait comme un automate. Il semblait ne rien voir de la fête. Il s'engagea dans une petite rue qui permettait de gagner le centre. Il s'arrêta. Devant lui, une rue qu'il ne connaissait pas. Il s'avança. Les maisons étaient délabrées. Sur une plainte en bois il pouvait lire ÉPICERIE. Des planches de bois en cachait l'accès. La rue baignait dans la grisaille. Le silence était total. Il se dirigea vers l'épicerie, tourna à gauche et se perdit dans un labyrinthe de ruelles. Tout semblait abandonné. Son cœur battait la chamade. L’architecture ne ressemblait pas à celle de la Ville fédérale. Il n'y avait pas de quartier abandonné dans la capitale. Une ombre disparut au détour d'une rue. Il hâta le pas dans l'espoir de rencontrer quelqu’un. Dans ce décor figé, il n’y avait pas âme qui vive. Il se sentait oppressé. Il voulut fuir, mais il ne reconnaissait rien, c'était un dédale de ruelles baignant dans une lumière grise. Il remarqua une flèche tracée à la craie rouge, il suivit la direction indiquée. Il lui sembla avoir senti un souffle. Il devait être près de la sortie. Un cri retenti. Il se retourna. Une lueur vacillait à l'étage d'un immeuble. Il hésita, entra dans la maison. Tout était abandonné, à moitié en ruine, désert, mais il ne voyait pas une trace de poussière. Seule une commode meublait la pièce. Une lueur jaunâtre éclairait une tache blanche. Il s'approcha. C’était une enveloppe. Il sursauta. Un léger souffle avait soulevé l'enveloppe. Instinctivement, il saisit la missive et la fourra dans la poche de sa veste. La lueur s'estompa. Il sortit rapidement de la maison. Une panique le saisi. Il fallait qu'il sorte. Il se mit à courir. Tout se ressemblait, impossible de savoir quel chemin suivre. Il était en sueur. Un éclair violent, l'espace d'une seconde éclaira un coin de rue qui lui était familier. Il se retrouva dans la rue qu'il avait quittée tout à l'heure. Il s'appuya contre le mur. Un gamin le bouscula. Il sentit que le chenapan se saisissait de l'enveloppe. Il tenta de le rattraper, mais ce fut plus qu'une ombre qui agitait l'enveloppe. Puis tout disparu. Il se massa la nuque. Il consulta son téléphone pour savoir l'heure. En fond d'écran, il y avait un tableau représentant une rue abandonnée. Sur la devanture de ce qui avait du être une épicerie, quelques mots étaient tracés à la craie rouge : MERCI DE NOUS AVOIR AIDÉS.

21 novembre 2016

VARIATIONS SUR UN POÈME DE PRÉVERT

"Rappelle-toi Barbara

Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là"

Un haut-parleur planté sur la place diffusait, dans un grésillement, une annonce presque inaudible : -La jeune fille qui est ravie, ruisselante, épanouie sous la pluie est priée de ne pas s'éloigner de la file des parapluies. Merci.

-Qui se souvient de Barbara ? Et puis il y a tellement de Barbara. 

-Je crois que Georges sortait avec une Barbara, dans les années 1950, du côté de Brest.

Il pleuvait sans cesse, et, rue de Siam, c'était un océan de parapluie. 

Soudain, un cri dans la foule : -Barbara.

-Georges sortait avec Barbara. Et tu ne m'a rien dit !

-C'était avant-guerre. Ça a commencé rue de Siam. 

Un chat des villes, d'une voix de ténor déclamait des vers : -Quelle connerie la guerre.

-Et ils se sont revus ?

-Qui ?

-Georges et Barbara

Il pleuvait, le bateau d’Ouessant lança un coup de sirène, puis Barbara embarqua. 

-Quelle connerie la guerre, reprenait en cœur une famille de souris.

-Je crois que la guerre les a séparés. 

-Et Georges...

-Il est mort en avril 1974. Il était gravement malade.

-Et sa femme ?

-Claude, elle a été veuve plus de 30 ans. Elle est morte, je crois en été 2007. 

Le haut-parleur hurla : -Je rappelle à Barbara de regagner immédiatement la file des parapluies. C'est intolérable d'être ravie, épanouie, ruisselante sous la pluie.

Un juron s'échappa d'une fenêtre ouverte : -Tonnerre de Brest !

-Voyons, capitaine, voyons... S'indigna un petit homme à barbichette.

Il pleuvait sans cesse ce jour-là.  

Rue de Siam, sous un porche, une jeune femme donnait le sein à sa petite Barbara.

Des avions s'approchaient, déluge de feu et de sang...

"Rappelle-toi Barbara

Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là".



"Barbara" est un poème de Jacques Prévert. On le trouve dans le recueil "Paroles". Il est le squelette de ces variations...
 
Nota Bene: le samedi, Lakevio publie sur son blog la reproduction d'une toile, d'un artiste connu ou moins connu. Cette peinture sert de guide pour une création littéraire. Le lundi, Lakevio donne sa version. Dans les commentaires, ceux qui proposent un texte indiquent l'adresse à laquelle leur prose peut être lue. Il est intéressant de lire ces textes, souvent cousins dans la trame mais tous avec leur caractère et leur style. Lakevio, c'est à cette adresse: En bateau, Lakevio ! (canalblog.com)
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- Mais... c'est l'intervention de cette grosse femme... C'est un ptit peu... enfin... ça va très loin.
- C'est là que je me rends compte que malheureusement, je vous ai beaucoup moins bien réussi que le porc.

Pierre et Thérèse.
Le père Noël est une ordure 

 

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